En application de l’article L132-8 du code des assurances, un assuré peut, jusqu’à son décès, désigner le bénéficiaire de son contrat d’assurance vie ou substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat soit en remplissant les formalités de la cession de créance (article 1690 du code civil), soit par voie de testament.

Par deux arrêts successifs concernant une même affaire la Cour de cassation a apporté des précisions sur la question de savoir si la validité du changement de bénéficiaire est conditionnée par le fait que l’assureur soit informé de la nouvelle clause.

Lors de son adhésion à son contrat d’assurance vie, M.D avait désigné comme bénéficiaire de son contrat d’assurance vie son fils M. N, à défaut son épouse Mme D.

Par courrier du 20/06/1982, il avait ensuite fait part à l’assureur de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse.

A la suite du décès de M. D, Mme D. avait obtenu de l’assureur le versement du capital décès.

M. N avait alors invoqué l’intention de son père de le désigner comme unique bénéficiaire du contrat d’assurance et assigné Mme D. en restitution du capital.

En effet, dans un écrit du 29/07/1987 adressé à son notaire et dont l’assureur n’avait eu connaissance que postérieurement au décès, M. D. avait indiqué que le capital décès de son assurance vie devait revenir à son fils.

La Cour d’appel a considéré que ce dernier document comportait une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et détruisaient valablement l’attribution du capital décès à Mme D., outre qu’il était cohérent avec les autres dispositions testamentaires du défunt dans un contexte de séparation des époux D.

Elle a en conséquence jugé qu’en conservant les fonds alors qu’elle disposait du courrier du 29/07/1987, Mme D. avait commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt, faute qui causait à M. N un préjudice équivalent à la valeur du capital décès.

Elle l’a donc condamnée à verser à M. N la somme de 132.379,41 € en réparation du préjudice subi.

Mme D a formé un pourvoi contre cet arrêt et dans un arrêt du 13 juin 2019, (Cass 2ème civ. 13 juin 2019 n°18-14954) la Cour de cassation a cassé cet arrêt d’appel au motif que l’écrit daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l’assureur postérieurement au décès de M. D, ce dont il résultait que l’assureur n’en avait pas eu connaissance du vivant de l’assuré, la Cour d’appel n’ayant en outre  pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe dont M. N aurait été fondé à se prévaloir.

La Cour d’appel de renvoi avait, à la suite de cet arrêt, considéré que le courrier adressé au notaire par l’assuré le 29/07/1987 constituait bien un testament olographe.

Mme D. a formé un pourvoi contre ce nouvel arrêt d’appel en faisant valoir que le fait que l’assureur n’ait eu connaissance du l’écrit du 29/07/87 qu’après le décès de l’assuré faisait obstacle à toute modification de la clause postérieurement au décès.

Dans son arrêt du 10/03/22 (Cass 2ème civ 10 mars 2022 n°20-19655), la Cour de Cassation, dans le prolongement de son précédent arrêt,  considère que l’assuré peut jusqu’à son décès modifier la clause bénéficiaire de son contrat sans que, pour être valable, cette modification doive être portée à la connaissance de l’assureur, dès  lorsqu’elle est réalisée par voie de testament.

Ainsi, en application de cet arrêt, le principe est que pour être valable la modification de la clause bénéficiaire doit être portée à la connaissance de l’assureur, sauf si elle a été effectuée par voie de testament.

L’assuré qui modifie sa clause bénéficiaire par un moyen autre que le testament doit donc veiller à informer l’assureur de la modification, sans quoi la validité de la modification pourra être contestée.

Pour aller plus loin :

  • Sur l’arrêt du Cass 2ème civ du 13/06/19 n°18/14954 : Quand la désignation du bénéficiaire n’est pas connue de l’assureur – Luc Mayaux, RGDA n°7 juillet 2019 p.32).
  • Sur l’arrêt du Cass 2ème civ 10/03/22 n°20-19655 : Désignation du bénéficiaire par testament et information de l’assureur RGDA n°4 avril 2022 p.48)

Un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 26 novembre 2020 (2ème civ 26/11/20 n°19/20369) est venu rappeler les règles applicables en matière de preuve des garanties souscrites dans un contrat d’assurance de groupe.

Le 20/04/1990, M.L (l’adhérent) a adhéré à un contrat d’assurance de groupe souscrit par son employeur (le souscripteur) auprès de l’assureur, contrat devant notamment garantir les salariés contre le risque invalidité décès.

À la suite du décès de l’épouse de M. L survenu le 07/11/2011, l’assureur a appliqué l’option A par défaut en l’absence d’élément permettant de déterminer si M. L. avait effectué un choix lors de son adhésion et quelle avait été l’option choisie.

Il a, en application de cette option A, versé à M. L 34.759 € au titre du capital prédécès et du capital frais d’obsèques.

M. L reproche à l’assureur d’avoir commis une faute contractuelle en ne démontrant pas lui avoir remis le bulletin individuel d’adhésion mentionnant l’option choisie et en ne l’informant pas du régime de l’option souscrite et de la faculté de la modifier.

Il l’assigne donc en responsabilité sur le fondement des articles 1147 du code civil dans sa rédaction alors applicable et L 112-3 du code des assurances.

En première instance, l’assureur est condamné à verser à M. L 33.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance par lui subie de pouvoir prétendre au versement du capital pour prédécès de son conjoint sur la base des garanties prévues par les options B, C ou D.

Sur appel de l’assureur, la Cour d’Appel considère qu’il appartient à l’assureur qui prétend que l’option A est applicable de rapporter la preuve d’une absence de choix par l’adhérent ou du choix par celui-ci de l’option A, preuve qui devrait résulter du bulletin d’adhésion.

Or ce bulletin n’était pas produit par l’assureur, qui ne versait aux débats que la première page du bulletin d’adhésion et non la page comportant l’option choisie et la signature de l’adhérent.

M. L. affirmait quant à lui ne jamais avoir eu retour du bulletin d’adhésion.

La Cour d’appel a considéré qu’en ne produisant pas ce bulletin d’adhésion, l’assureur plaçait l’adhérent dans l’impossibilité de bénéficier d’une autre option que l’option A qui s’appliquait à défaut d’un autre choix.

Elle a en outre retenu que l’assureur ne démontrait pas avoir rempli son obligation d’information par la remise, lors de la souscription, des documents contractuels informant l’adhérent des garanties offertes, de la nécessité de s’assurer que le volet du formulaire d’adhésion lui a été retourné, de l’obligation de le conserver à titre de preuve et de la possibilité de modifier ultérieurement son choix.

Elle a donc confirmé le jugement sauf concernant le montant des dommages et intérêts, qu’elle a fixé à 16.000 € compte tenu de la perte de chance subie par M.L de choisir une autre option.

L’assureur a formé un pourvoi contre cet arrêt, faisant valoir notamment que dans les rapports entre l’assureur et l’assuré, il incombait à ce dernier d’établir, outre l’existence du contrat d’assurance, la nature et l’étendue des garanties souscrites.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.

Concernant le manquement à son obligation d’information reprochée à l’assureur, la Cour de cassation considère qu’en application de l’article L141-4 du code des assurances, l’obligation d’informer l’adhérent des garanties souscrites et des conditions de leur mise en œuvre incombe non à l’assureur mais au souscripteur du contrat d’assurance de groupe.

Concernant la charge de la preuve de la garantie souscrite, elle considère qu’il appartient à l’assuré, qui prétend avoir contracté à des conditions plus avantageuses que celles mises en œuvre par l’assureur, d’en justifier.

La Cour d’appel, qui a retenu contre l’assureur une faute contractuelle pour n’avoir pas rapporté une preuve qui ne lui incombait pas, a en conséquence inversé la charge de la preuve et violé l’article 1353 du code civil, selon lequel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Cet arrêt illustre l’importance, pour l’assuré en l’espèce mais plus généralement pour toute partie à un contrat, de conserver précieusement les documents contractuels établissant ses droits et obligations.